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Le Conseil constitutionnel a été saisi le 1er mars 2024 par la Cour de cassation de trois questions prioritaires de constitutionnalité relatives à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit du deuxième alinéa de l’article 3 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l’aide juridique, dans sa rédaction résultant de la loi n° 2016-274 du 7 mars 2016 relative au droit des étrangers en France.

L’objet de la question

Selon l’article 2 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l’aide juridique, les personnes physiques dont les ressources sont insuffisantes pour faire valoir leurs droits en justice peuvent bénéficier d’une aide juridictionnelle.

En application de son article 3, sont admises au bénéfice de cette aide les personnes de nationalité française et les ressortissants des États membres de l’Union européenne.

Les dispositions contestées de cet article prévoient que, en principe, les autres personnes de nationalité étrangère résidant habituellement en France ne peuvent être admises au bénéfice de l’aide juridictionnelle que si, en outre, elles y résident régulièrement. Les trois derniers alinéas de ce même article précisent que les étrangers ne résidant pas régulièrement en France peuvent bénéficier, par dérogation, de l’aide juridictionnelle lorsqu’ils sont mineurs, qu’ils sont mis en cause ou parties civiles dans une procédure pénale, ou font l’objet de certaines mesures prévues par l’article 515-9 du code civil ou par le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, ainsi que, à titre exceptionnel, lorsque leur situation apparaît particulièrement digne d’intérêt au regard de l’objet du litige ou des charges prévisibles du procès

Les critiques formulées contre ces dispositions

Les requérants, rejoints par les parties aux instances à l’occasion desquelles les questions prioritaires de constitutionnalité ont été posées et par les parties intervenantes, soutenaient notamment que, en n’assurant pas aux étrangers en situation irrégulière des garanties égales à celles dont bénéficient les autres justiciables pour agir en justice, alors que la loi leur reconnaît des droits, en particulier lorsqu’ils sont salariés, ces dispositions méconnaissaient le principe d’égalité devant la justice.

Le contrôle des dispositions faisant l’objet de la QPC

Par sa décision de ce jour, le Conseil constitutionnel rappelle que, aux termes de l’article 6 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, la loi « doit être la même pour tous, soit qu’elle protège, soit qu’elle punisse ». Son article 16 dispose : « Toute société dans laquelle la garantie des droits n’est pas assurée, ni la séparation des pouvoirs déterminée, n’a point de Constitution ». Si le législateur peut prévoir des règles de procédure différentes selon les faits, les situations et les personnes auxquelles elles s’appliquent, c’est à la condition que ces différences ne procèdent pas de distinctions injustifiées et que soient assurées aux justiciables des garanties égales, notamment quant au respect du droit d’agir en justice et des droits de la défense

À cette aune, le Conseil constitutionnel relève que, en prévoyant que, sauf dans certains cas, les personnes de nationalité étrangère autres que les ressortissants des États membres de l’Union européenne résidant habituellement en France ne peuvent être admises au bénéfice de l’aide juridictionnelle que si, en outre, elles y résident régulièrement, les dispositions contestées instaurent une différence de traitement entre les étrangers selon qu’ils se trouvent ou non en situation régulière en France.

Le Conseil constitutionnel juge que, si le législateur peut prendre des dispositions spécifiques à l’égard des étrangers, en tenant compte notamment de la régularité de leur séjour, c’est à la condition de respecter les droits et libertés garantis par la Constitution reconnus à tous ceux qui résident sur le territoire de la République et, en particulier, pour se conformer au principe d’égalité devant la justice, d’assurer des garanties égales à tous les justiciables.

Or, en privant, hors les cas prévus par les trois derniers alinéas de l’article 3 de la loi du 10 juillet 1991, les étrangers ne résidant pas régulièrement en France du bénéfice de l’aide juridictionnelle pour faire valoir en justice les droits que la loi leur reconnaît, les dispositions contestées n’assurent pas à ces derniers des garanties égales à celles dont disposent les autres justiciables.

De ces motifs, le Conseil constitutionnel déduit que ces dispositions méconnaissent le principe d’égalité devant la justice. Il les déclare en conséquence contraires à la Constitution.

Relevant qu’aucun motif ne justifie de reporter les effets de la déclaration d’inconstitutionnalité, le Conseil constitutionnel juge que celle-ci intervient à compter de la date de publication de sa décision et est applicable à toutes les affaires non jugées définitivement à cette date.

Voici le lien vers la décision :

https://www.conseil-constitutionnel.fr/decision/2024/20241091_1092_1093QPC.htm

Décision n° 2024-1091/1092/1093 QPC du 28 mai 2024

Le Conseil constitutionnel censure comme contraires au principe d'égalité devant la justice des dispositions législatives excluant du bénéfice de l'aide juridictionnelle, hors cas particuliers, les étrangers qui ne résident pas régulièrement en France

https://www.cnb.avocat.fr/fr/actualites/le-conseil-constitutionnel-accorde-laide-juridictionnelle-aux-etrangers-en-situation-irreguliere